84 jeunes filles disparurent en fumée
En 1993, l’incendie de l’usine Zhili à Shenzhen cause la mort de 84 jeunes femmes enfermées dans leur atelier. Cette catastrophe provoque de nombreuses réactions dans les médias chinois. La question des conditions de travail exécrables dans les usines de la zone économique spéciale est au centre des débats – 111 doigts coupés par jour et 1 mort d’accident tous les 3 jours selon un rapport officiel de 2005. Les paroles de cette chanson, interprétée ici par le groupe Jiuye 九野, ont été écrites par de jeunes travailleuses à l’occasion d’ateliers créatifs en 1993. Le texte établit un lien entre l’univers quasi carcéral dans lesquels les travailleuses produisent des peluches et des poupées d’une part et la consommation de ces produits par les enfants européens d’autre part. La chanson contraste aussi la faiblesse des salaires versées et le prix de vente sur le marché européen. Le secteur de la production de jouets est connu pour ses conditions de travail très dégradées et des régimes de production particulièrement intenses. Cette chanson a été rédigée et est interprétée par des travailleurs migrants lors d’ateliers musicaux collaboratifs organisés par une ONG de Hong Kong, Workers’Home (工友之家). Elle témoigne d’un travail de mémoire et de socialisation politique encore relativement rare au début des années 1990 mais qui connaîtra un développement important à partir du début des années 2000.
https://mbd.baidu.com/newspage/data/landingsuper?rs=3138714969&ruk=jdyzmLQQfJzKLsSAhzQ9Ow&fbclid=IwAR12PrxfUjNAdeNY_djSQbzW7s9BFUkD-H7YVYZHszFliLSNcVsRPE2A0TU&isBdboxFrom=1&pageType=1&urlext=%7B%22cuid%22%3A%22lav3a_iI2iYgaSuPlaHriliA28gnu2aRlPSlfguNS8K50qqSB%22%7D&context=%7B%22nid%22%3A%22news_9280758632404463417%22%7D
Au-revoir les lucioles 再见萤火虫
Xiao Ying aimait jouer dans son village,
Cherchant les secrets dans les champs,
Elle aimait attraper des lucioles, les regarder clignoter dans la nuit.
C’est comme si elle approchait les étoiles.
Un jour, elle entendit son grand frère pleurer,
Il pleurait, la famille ne pouvait payer les frais de scolarité,
Un sac, quelques vêtements, au revoir Papa et Maman.
Xiao Ying, une enfant d’à peine 15 ans et la voilà partie chercher du travail en ville.
Dans une usine de jouets à Shenzhen,
Chaque jour, 12 heures, sans arrêt.
Ce qu’elle redoutait le plus : le garde l’insultant et la fouillant : « Ne bouge pas ! »
Tout cela pour 200 yuans par mois.
Xiao Ying cousait des peluches,
D’après ce qu’on dit, pour les enfants européens,
Vendues plusieurs centaines de yuans la pièce,
Les lucioles lui manquent,
L’usine et le dortoir était son monde.
Une après-midi de 1993, alors qu’elle était occupée à coudre une poupée, cadeau de Noël pour les enfants européens,
Un terrible incendie ! S’enfuir, courir pour survivre ! Portes et fenêtres fermées !
84 jeunes-filles disparurent en fumée.
De retour dans son village sur une civière,
Les jambes, le dos, son corps, couverts de brulures.
Ses jambes, ses bras, ses épaules et son dos : paralysés.
Elle pleurait d’être ainsi transformée en un fardeau pour sa famille.
Xiao Ying s’enferma dans sa chambre, n’osant plus en sortir.
Meurtrie par les regards curieux des gens.
Ce qui lui faisait le plus de peine : les larmes dans le sourire doux de ses parents.
Comme la lumière des lucioles dans le noir.
Source : Dignity: Workers’ Poems and Songs (尊严:劳动者的诗与歌), Beijing, Cultural development centre of the association Workers’ Home, 2010