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Les jeunes filles « déplacées »

En France, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, les organisations chrétiennes féminines se soucient des conditions dans lesquelles les jeunes filles entreprennent une mobilité géographique à la recherche d’un emploi. Le « déplacement » des jeunes filles pour leur travail, entre villes, entre régions et entre pays, est identifié comme un problème pour les organisations de jeunesse féminines françaises, qu’elles s’intéressent aux milieux ruraux (le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, qui remplace la Jeunesse agricole catholique en 1963), étudiants (la Jeunesse étudiante chrétienne), ouvriers (la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine) ou indépendants (Jeunesse indépendante chrétienne féminine). La collaboration n’est pas si fréquente entre ces organisations qui se concentrent normalement sur un seul milieu social.

Ces documents illustrent aussi la volonté d’encadrement de ces déplacées de la part des organisations chrétiennes. Les documents proviennent d’un seul dossier d’archives, au Centre National des Archives de l’Église de France, fonds des archives de la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF), 54 LA49. Certains documents ont été publiés dans L’Union, la revue mensuelle de l’Union des associations ouvrières catholiques.

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© Centre National des Archives de l’Eglise de France, fonds des archives de la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF), 54 LA49
L’Union est la revue mensuelle de l’Union des associations ouvrières catholiques, créée en 1900. Dans ce numéro 17 daté du 10 octobre 1963, paraît un article présentant une enquête réalisée par le Comité de coordination de quatre mouvements féminins d’action catholique spécialisés (Jeunesse agricole catholique féminine, Jeunesse étudiante chrétienne féminine, Jeunesse indépendante chrétienne féminine et Jeunesse ouvrière chrétienne féminine). La couverture du numéro montre une jeune fille seule devant une gare. Le temps est pluvieux comme le montre un homme en arrière-plan protégé de son manteau. La photo veut mettre en évidence les difficultés liées à cette migration interne liée au travail.
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© Centre National des Archives de l’Eglise de France, fonds des archives de la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF), 54 LA49
Le comité de coordination s’intéresse au déplacement des jeunes filles à partir de 1958 parce que ce phénomène, qui touche tous les milieux, est jugé préoccupant, et que les statistiques officielles ne proposent pas de données précises. Sans doute la JACF est-elle particulièrement préoccupée de ce mouvement, dans le cadre de l’exode des jeunes femmes à la ville, pensée comme un vrai problème. Les mouvements décident de faire une enquête-sondage auprès de jeunes filles originaires de différents milieux sociaux. Le questionnaire porte sur le départ, sa préparation, les conditions de vie des jeunes filles, leurs dificultés économiques mais aussi les rencontres faites dans la nouvelle ville.
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© Centre National des Archives de l’Eglise de France, fonds des archives de la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF), 54 LA49
Le traitement quantitatif est effectué par le Centre national d’études rurales (CNER), service technique de la JAC et de la JACF, qui est probablement le seul à même de faire les statistiques. Les réponses proviennent de la JACF à 18,5 %, de la JECF à 9 %, de la JICF à 29 % et de la JOCF à 43,5 %. C’est donc cette dernière organisation ouvrière qui fournit le plus grand nombre de questionnaires. Au total 688 questionnaires sont recueillis, dans différents départements.
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© Centre National des Archives de l’Eglise de France, fonds des archives de la Jeunesse indépendante chrétienne féminine (JICF), 54 LA49
Les principaux résultats sont les suivants : trois jeunes sur quatre qui se déplacent vont vers les grandes villes, pour des raisons principalement économiques. Ces déplacements comportent des risques : non-intégration, massification, perte des richesses acquises… La recherche d’une promotion individuelle est pensée comme un risque ; elle va de pair avec un appat du gain et des dépenses considérées comme non légitimes : coiffeur, habillement, loisirs.
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© Idem
L’enquête montre aussi que les jeunes filles n’ont pas été suffisamment préparées avant leur départ. Les mouvements mettent en évidence leur rôle dans cet encadrement. La JOCF produit dès lors un Guide de la déplacée. Il s’agit d’un ouvrage pratique pour toutes celles qui se préparent au départ. Il s’appuie sur des témoignages, selon la méthodologie habituelle des enquêtes des mouvements d’action catholique, afin d’aider les jeunes filles à réfléchir aux raisons d’un départ, préparer et organiser leur vie de déplacée.