Le permis de résidence temporaire. Je déteste ça !
Dans cet entretien, le travailleur décrit une multitude de formalités que devaient accomplir les migrants. Dans le Delta de la Rivière des Perles (province de Guangdong), moteur de la croissance économique chinoise dès les années 1990, les formalités touchant à la résidence, à l’emploi, au statut matrimonial et au logement sont particulièrement complexes et liées entre elles. A partir du milieu des années 2000, ces formalités ont été simplifiées par le gouvernement central suite à une montée des revendications en matière de droits et de justice sociale. Ces formalités, combinées étroitement avec les régimes de travail disciplinaires au sein même des usines, ont permis une appropriation maximale de la force de travail des travailleurs migrants et un très haut degré d’exploitation, surtout entre les années 1990 et les années 2000. A partir des années 2000, un régime de travail plus protecteur est mis en place, même si son application, laissée à l’appréciation des autorités locales, laisse encore souvent à désirer. La personne qui s’exprime ici dénonce notamment les alliances profondément ancrées entre autorités politiques locales et forces économiques, ceci au détriment des travailleurs.
J’ai toujours mon livret de résidence de mon pays natal, je ne l’ai pas transféré. Chaque fois qu’on arrive quelque part, on doit faire un permis de résidence temporaire. C’est très ennuyeux, je déteste ça ! Ce n’est pas quelque chose de mauvais, ça facilite la gestion. L’Etat ne prend pas tellement, seulement 6 yuans par mois. En tout, ça va, on peut le supporter. Mais souvent, il y a…euh…ce sont les départements locaux qui… Par exemple si j’habite à Foshan, le commissariat prendra six yuans par mois, sur un an ça fait 72 yuans. Mais chaque équipe de la police va également récolter de l’argent. Elle a en charge une zone, ce sont eux qui te prennent beaucoup d’argent. Ils prennent beaucoup, de plus en plus. Ils prennent aussi des cautions. Ils prennent des cautions de 100 ou 200 yuans en une fois. Mais en général ces cautions, on ne le les voit pas revenir ! Chaque endroit pratique des tarifs différents. Certaines localités ont des tarifs élevés, d’autres moins. Certains atteignent plus de trois cents yuan par an, ce qui est beaucoup plus que les 72 yuans imposés par l’Etat. Le problème, c’est vraiment les autorités locales. Bien qu’il y ait des normes nationales, les autorités locales ne les respectent pas. A part le permis de résidence temporaire, il faut encore d’autres permis. Le certificat de planification des naissances. Eh ! Ca c’est très ennuyeux. Il y a aussi le permis de travail. Oui, il faut encore ce permis de travail. On peut l’obtenir soit de notre gouvernement local d’origine, soit du gouvernement local ici. Mais d’habitude on exige d’avoir un permis de travail local. Je trouve que du point de vue des travailleurs tout cela [les permis] n’est pas nécessaire. Par exemple, j’ai lu dans un journal qu’à Shenzhen, dans certains bourgs, en additionnant les frais, en une année ça augmente beaucoup notre fardeau. Le revenu des travailleurs est assez faible à l’origine. En plus le travail n’est pas stable, si on perd son travail, on doit changer d’usine. Il faut encore faire de nouveaux permis. Sur les revenus d’une année ça fait beaucoup. Ça, les travailleurs détestent. Ça alourdit leur fardeau. Il y en a même qui n’ont pas gagné d’argent et qui doivent quand même payer pour faire des permis. Ça arrive. Si je n’ai pas encore gagné un fen ici et que je dois payer des frais, je vais devoir m’endetter !
Le permis de résidence provisoire à en général une durée de six mois ou un an. Si au bout de cette période tu n’as pas trouvé de travail, la patrouille de police va t’attraper et te renvoyer chez toi. Non, elle ne te renvoie pas chez toi, elle t’enferme dans le centre de rétention. Une fois là-dedans, ta famille ou tes amis doivent payer plusieurs centaines de yuan pour te faire de sortir. Si tu n’as pas d’argent, tu dois bosser dans le centre. Ils [les responsables du centre de rétention] augmentent leurs revenus sur le dos de la sueur des travailleurs.
Source : extrait d’un entretien réalisé par Eric Florence avec un travailleur migrant en août 2007 à Foshan, province du Guangdong.