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Le budget d’Iwamoto Shigenori

Iwamoto Shigenori est né en septembre 1939 à Ômuta.  Il perd son père (tailleur de pierre), tué en Birmanie en juillet 1945 près de la frontière avec l’Inde. Sa mère nourrit sa famille en travaillant dans les champs et se remarie en 1950 avec un homme qui travaille à la mine (tankôman) mais a un handicap et ne peut descendre dans la mine et a donc un salaire modeste. Il vit donc à partir de 1951 dans le coron Nozoe shataku près du puit Ariake. Il termine le collège à 15 ans. Il rentre dans l’école de la mine de Miike en 1955 où il suit une formation de 3 ans (moitié théorique, moitié pratique). Cela revient à être engagé par la mine de Miike. Sort diplômé le 21 mars 1958 et le lendemain est affecté au puit de Mikawa de la mine de Miike. Suit en même temps jusqu’en 1961 des cours du soir pour pouvoir être diplômé du lycée. Diplômé en mars 1961. Il ne travaille pas à la coupe (kansetsu), il occupe un poste d’enquêteur (compter la quantité de charbon abattu) jusqu’en décembre 1960. Puis jusqu’en décembre 1963, occupe diverses fonctions comme « shikuri » (entretien des galeries). Puis à partir de décembre 1963, travaille au fond de la mine pour le service des salaires (toujours comme kôin). Il doit calculer la quantité de travail fournie par chaque groupe.

Marié en 1966.  Se marie avec la fille d’un mineur de l’encadrement (shokuin) qui meurt de la silicose. Il aura deux enfants.

Au cours de l’entretien, il fait le récit de la manière dont il planifiait ses dépenses lorsqu’il recevait son salaire chaque mois. Cette interview illustre l’insécurité économique qui régnait encore à la fin des années 1960 dans les ménages de mineurs et quelles étaient les stratégies mises en œuvre pour gérer cette insécurité.


Extrait de l’entretien interprété par un acteur.

Iwamoto : Quand je recevais mon salaire en liquide, j’utilisais des enveloppes pour les frais de nourriture, frais pour le riz (komedai), frais de pâte miso (misodai) , frais pour la garniture (okazudai)…pour être bien clair que les frais de nourritures, c’est les frais de nourriture, j’y mettais aussi les dépenses régulières, il y en a un certain nombre n’est-ce pas ? Je mettais tout dans des enveloppes, par catégorie. Il n’était pas possible de mettre de côté pour le mois suivant. Comme le salaire était bas, on pouvait tout juste manger avec, surtout depuis qu’on avait deux enfants.

Q : Tout était vraiment bien planifié. C’était votre idée ?

C’est moi qui confectionnais les enveloppes. Eh oui, si on ne fait pas attention, si on est en déficit, on se retrouve dans une vie de dette. Et moi, ce que je déteste le plus, ce sont les dettes, comme j’étais pauvre depuis tout petit.

Q : Revenu de la maison avec le salaire en poche, vous faisiez immédiatement vos comptes ?

I : Le jour de paie était le 15 du mois dans les mines. Juste après être rentré à la maison, je mettais dans les enveloppes.

Q : Et c’est votre femme qui, après, sortait l’argent des enveloppes pour les achats ?

I : Oui c’est cela, ce qui restait on le mettait néanmoins dans un endroit différent. Le reste on essayait de ne pas l’utiliser pour les dépenses régulières. Moi je ne recevais pas d’argent de poche. Ce qui restait, ma femme l’utilisait pour des dépenses exceptionnelles comme la réparation de vêtements des enfants par exemple

Q : Y avait-il une enveloppe pour des économies programmées ?

I : Non il n’y avait pas d’enveloppe pour les économies. On ne faisait pas d’économies.

En fait, jusqu’en 1973, c’était vraiment dur. Après, le pétrole est devenu plus cher et cela allait mieux. En fait le plus dur c’était au moment de l’explosion de 1963 ; en 1964 il y eu les jeux olympiques, après, très progressivement la vie est devenue un peu plus facile.

© Bernard Thomann
Iwamoto Shigenori avec Bernard Thomann