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La première fois que je suis sorti travailler, c’était avec mon beau-père

Ce passage illustre de manière poignante l’instabilité et la précarité des périodes de recherche d’emploi. Dans cet extrait, la personne souligne deux éléments centraux de cette expérience : la faim qui le tenaillait et la nécessité de trouver un toit où dormir. Le travail lui-même, dans ces premières expériences hors du village appartenait le plus souvent aux trois catégories de travail « sale, pénible et épuisant » (脏苦累 zang, ku, lei). La vie entre deux emplois était synonyme d’insécurité et d’indignités multiples.


Texte interprété par un acteur.

La première fois que je suis sorti travailler, c’était avec mon beau-père. Quand on est sorti, ça ne voulait pas dire qu’on a trouvé du travail de suite. La première fois qu’on est sorti, on recherchait un chantier. On y est allé comme des aveugles ! Je n’avais pas un rond sur moi. Mon beau-père m’aidait à chercher du travail.  Mon beau-père m’a dit que si j’avais faim, je devais boire de l’eau. Boire de l’eau ? Où en trouver ? Il fallait boire de l’eau des tuyaux. Si on voulait de l’eau bouillie, il fallait demander à ce Abai dans la tente. Ah, j’ai eu faim pendant sept jours ! (rires de Wang). Ensuite j’ai trouvé un travail. C’était aussi dans la construction.

Mon beau-père me disait « moi non plus je n’ai pas d’argent », sept yuans !!! A l’époque, j’étais vraiment comme ce Abai, le personnage d’un article que j’avais lu. Il avait cherché longtemps du travail et avait dû finalement voler des fruits ! On parvenait à se loger sous tente. En général, il y avait des tentes près des chantiers. Des gens y dormaient, mais, comme nous, ils n’avaient pas de travail. Il y avait un vieux. Il aidait le patron à gérer le chantier. Parfois, quand on voulait entrer [dans la tente] pour boire un peu d’eau, il nous chassait ! Raaah ! (rires). On n’aurait pas pu entrer. A cette époque, on ne ressemblait pas à des hommes ! On était comme des mendiants. Et puis, on a trouvé du boulot et on a travaillé plusieurs années. Mais, comme je l’ai déjà dit, ça ne durait pas longtemps. On sortait et on bossait un mois. Plus de chantier, alors on rentrait.

Donc la première fois que j’étais sorti avec mon beau-père, j’avais donc eu très faim pendant sept jours. J’avais eu vraiment très faim ! Après cela, on a enfin trouvé un travail. J’ai travaillé comme un fou. Le premier jour, je venais d’arriver, le patron me dit : « Eh, toi, transporte donc ce béton là-bas ! ». A peine sorti du secondaire, un grand seau rempli de béton. Devoir le transporter, seul ! Transporter et encore transporter. Quel travail de force pénible ! A partir de ce moment, on a continué à travailler dans la construction. La plupart du temps je faisais des tâches pénibles. Il y avait aussi porter des briques [à la palanche]. Je portais quarante briques à la fois. Quarante briques. Il fallait les monter d’un étage (rires). Tu recevais 1 fen par brique montée. Il y avait six mètres entre le rez-de-chaussée et le premier étage. A l’époque c’était comme ça.

Ensuite, j’ai cherché du boulot pendant plus d’un mois. J’ai même dormi sept jours sur la versant d’une montagne. J’ai dormi dans la montagne ! Seul, comme un sauvage (rires). Heureusement qu’il n’avait pas plu. En général, vers les mois de septembre, octobre il pleut très peu. Ensuite, avec les gars de mon village, nous sommes allés couper des arbres. Au départ, on croyait que c’était simplement couper des arbres. Puis on s’est rendu compte qu’il fallait creuser pour ensuite déraciner les arbres ! Les racines, il fallait les enlever ! On avait 4 fens pour 500g, un morceau devait peser à peu près 15 kg. Les outils qu’on utilisait n’étaient pas bons. Les outils qu’ils nous donnaient n’étaient pas très bons. En plus la terre n’était pas comme chez nous. Ici, elle était très dure. Enlever ces racines, c’était très difficile. Très difficile. Je n’y arrivais pas. Mais même les gars de mon village qui avaient beaucoup de force n’y parvenaient pas facilement. Ils en avaient à peine arrachés quelques-uns. La première fois, j’ai pleuré. Pourquoi ai-je pleuré ? Je suis sorti, c’était la première fois que je sortais travailler, je n’avais jamais vécu ça : c’était très pénible, en plus je n’avais pas d’argent, il y avait aussi la faim. On n’avait pas de liberté non plus. Ce n’était pas qu’on était pas libre, mais… J’étais un peu trop fragile et donc j’étais nerveux, tu comprends ? ! Je me suis dit : s’il m’arrive maintenant quelque chose, comment est-ce que je pourrais assumer vis à vis de ma famille ? Je me disais : en cas de problème, si je me blesse, comment vais-je faire ? Bien qu’ils étaient du Guizhou, ils ne pouvaient pas s’occuper de toi. Nous n’étions pas de la même région. Ils ne se préoccupaient pas de toi. A partir de ce moment, je me suis dit : il faut compter sur soi pour tout. Donc, j’ai écrit à ma famille pour qu’ils m’envoient de l’argent. Je n’en pouvais vraiment plus, je leur ai demandé de m’envoyer de l’argent. Je n’avais plus un fen. Plus un fen ! J’ai utilisé l’adresse de la plantation où j’avais travaillé. Je m’entendais encore assez bien avec le patron. J’ai utilisé cette adresse. Je me suis dit : dans une semaine la lettre devrait arriver. Puis je suis retourné à pied à Shaping. Près de trente kilomètres à pied. Ça, vraiment, je ne peux l’oublier. J’en ai écrit un article. Je suis à nouveau resté une semaine dans la montagne. Comme un sauvage ! (rires) Je n’avais pas d’endroit où dormir ! Comme je n’en avais pas, j’ai dormi dans la montagne, dans une sorte de caverne. J’étais au-dessus d’une route. Pourquoi avoir choisi cet endroit ? Car près de la route, il y avait des voitures qui passaient. C’était un peu plus rassurant. Si j’avais été dans un endroit où il faisait tout noir, au moindre cri [d’animal], j’aurais été effrayé. J’y suis resté sept jours. Chaque jour, je mangeais une sorte de spécialité locale faite d’os et de viande poulet moulus et mélangés à de la farine. C’était très dur, mais ça nourrissait bien. Après avoir mangé ces biscuits, j’avais très soif. Sans boire, ça n’allait pas. J’en achetais chaque jour deux ou trois. Il me restait encore un peu d’argent pour les manger.

Cette expérience, je m’en souviendrai toujours. Surtout ces sept jours passés dans la montagne, comme un sauvage. Par après, avec ces neuf cents yuans, j’ai pu suivre des cours en électronique. Puis je suis entré dans cette usine, ça a été ensuite assez bien. J’ai suivi une formation. A l’origine, les radios et enregistreurs m’intéressaient assez bien. En 1987, ma famille a acheté le premier enregistreur du village. Dès qu’il marchait, tout le village le savait ! (rires) C’était quelque chose de très bizarre, d’étrange à l’époque. On avait dépensé deux cent yuans. On l’utilise encore aujourd’hui. Pas mauvais comme qualité, non ? Ces choses-là m’intéressaient déjà. J’ai écrit à mon grand frère pour lui dire que j’avais utilisé l’argent pour apprendre un peu de technique. Pour lui dire que je ne l’avais pas gaspillé.

Donc, il y avait deux choses cruciales. L’une était de ne pas avoir d’endroit où dormir. L’autre était de ne pas avoir à manger. C’était l’essentiel. Mais heureusement que j’avais gagné un peu d’argent dans la plantation de litchis. Une centaine de yuans. Comme j’étais nourri et logé, j’ai pu épargner un peu d’argent en un mois et demi. A l’époque, cet argent m’a permis d’acheter ces biscuits pour me nourrir. A l’époque, je faisais très attention à ce que je dépensais. Depuis cette première fois jusqu’à aujourd’hui… Je suis assez satisfait. J’aimerais seulement avoir une maison à moi. Ma propre maison. C’est un but. S’établir ici et puis c’est bon. S’il fallait rentrer au village… Il n’y a vraiment aucun développement. C’est vraiment trop pauvre. Sortir travailler c’est comme ça.