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Coût des enfants dans le budget des familles

Pierre de Bie (1917-1996), directeur du Centre d’Études Sociologiques de l’Université catholique de Louvain, réalise de nombreuses enquêtes pour des commanditaires dont la Ligue des familles nombreuses et le ministère belge de la Population et de la Famille. Une grosse enquête est ainsi menée en 1957 qui donnera lieu à un ouvrage signé du sociologue en 1960. Elle permet à Pierre de Bie de se spécialiser en sociologie familiale tout en soutenant indirectement la politique familiale du ministère.

Financée par la Ligue des familles nombreuses, l’enquête porte sur les budgets de familles d’ouvriers salariés, agriculteurs et « fonctionnaires et employés de cadre ». Elle permet de montrer l’incidence des enfants sur les budgets, quelle que soit les différences de niveaux de vie entre les groupes sociaux.

Cette publication diffère de l’enquête menée par la Jeunesse ouvrière chrétienne féminine en France la même année sur plusieurs points. Elle porte sur des budgets de familles alors que l’enquête JOCF ne porte que sur les pratiques des jeunes ouvrières. Elle compare des familles avec enfants, avec des femmes qui ne travaillent pas hors du foyer (sauf pour les femmes d’agriculteurs !). Le modus operandi est très différent des enquêtes de nature militante de la JOCF à la même époque. Loin d’être menée par des ouvrières devant prendre conscience de leur condition, l’enquête est menée par des familles tenant un carnet de compte avec l’aide de collaborateurs locaux. Le résultat diffère puisqu’il comprend de nombreux tableaux et une dimension quantitative que ne comprend pas l’enquête JOCF. Il donne lieu à un ouvrage alors que l’enquête JOCF ne donne même pas lieu à un véritable rapport.

L’ouvrage, Budgets familiaux en Belgique, 1957-1958. Modes de vie dans trois milieux socio-professionnels, compare trois milieux différents, en mettant en évidence la part de l’alimentation dans les budgets des ménages agricoles (50%), plus importante que celle des ménages ouvriers (40%) et fonctionnaires (27%). Contrairement à l’enquête JOCF qui affirme que les ouvrières n’arrivent pas à se nourrir correctement, le sociologue met en évidence l’amélioration des budgets par rapport à l’avant-guerre, de même que la chute du pourcentage dédié à l’alimentation dans les budgets.

La principale conclusion – qui était pour ainsi dire dans la commande – consiste à mettre en évidence le poids des enfants dans le budget des familles, dans les trois milieux étudiés. Il n’insiste pas sur la spécificité de la condition ouvrière, à un moment où celle-ci commence par ailleurs à être remise en question dans les milieux scientifiques. Plutôt que d’aboutir à une demande d’augmentation des salaires – ou d’indexation sur le coût de la vie – une telle enquête peut servir à justifier des allocations familiales.

Le coût de l'enfant
© Archives générales du Royaume (Bruxelles), Archives de la Ligue des Familles nombreuses de Belgique [Inv. I 553], n° 1002