Les feuilles de paie de Claudine, ouvrière de Doré Doré
Claudine cesse sa scolarité à quatorze ans. Après deux années de travail dans la ferme familiale, elle entre dans l’usine Doré Doré implantée dans son village de Fontaine-les-Grès (Aube). Ses trois frères ont également tous été travailler dans la même usine. Seule sa sœur adoptive, née en 1957, a pu faire des études et accéder à un emploi plus qualifié. Claudine, comme son mari, ont fait toute leur carrière chez Doré Doré. Remmailleuse dès 1956, Claudine travaille à domicile de 1966, année de naissance de sa fille à 1977. Ses bulletins de paie varient au fil du temps, tant dans le format que dans le contenu des informations. Avant 1966, les bulletins consistent en de minces languettes de papier (document 1) consignant les mêmes informations que sur l’enveloppe plus tard (voir infra), mais aucune information n’est fournie à l’ouvrière sur le détail du calcul de sa production. Le salaire indiqué est ventilé en heures de travail, associées à un taux horaire, ce qui constitue une traduction du volume de production en salaire horaire, alors même que l’ouvrière travaille aux pièces.
Entre janvier 1966 et décembre 1968, le bulletin se compose de trois parties, comme l’exemple de février 1968 l’illustre. La première partie (document 2) est une enveloppe sur laquelle figure les gains (salaire, congés payés et primes), les retenues ou cotisations qui viennent en déduction, le salaire net, résultat de la soustraction des cotisations aux gains, la somme versée à l’Amicale, sorte de mutuelle d’entreprise.
Le document suivant (document 3) est une fiche qui précise les composantes du salaire, c’est-à-dire l’addition des montants gagnés à la pièce, auquel s’ajoutent les frais d’électricité (spécifique au travail à domicile, l’employeur dédommageant l’ouvrière des frais de fonctionnement de son outil de travail), les éventuelles primes (ici la prime de qualité), et les congés payés. L’essentiel du salaire est constitué par la quantité de production de l’ouvrière dans le mois.
Le dernier document (document 4) est l’un des bons figurant tous dans l’enveloppe du mois en question. Ces bons sont remplis au fur et à mesure de la production, au cours du mois : lorsque l’ouvrière a fini un ou plusieurs lots, un bon notifiant sa production est établi par la contremaîtresse lors de la récupération des lots. A ce stade, le montant gagné n’est pas précisé mais les caractéristiques du lot figurant dans les colonnes (quantité, taille, nuance) permettront d’associer le lot à son prix car il s’agit des variables influant sur le prix.
A partir de janvier 1969, sans que Claudine ait changé de statut, le bulletin de paie adopte un autre format (document 5) : il s’agit d’un document dactylographié et imprimé, détachable en deux parties et reprenant les mêmes informations que sur l’enveloppe (gains, retenues, salaire net), et la cotisation à l’Amicale.