Une enfance dans les cités minières du Nord-Pas de-Calais
Wanda Jacubiak est née en 1937 dans une famille de mineurs d’origine polonaise arrivée dans les mines du Nord-Pas-de-Calais dans l’entre-deux-guerres. Marion Fontaine et Richard Berthollet ont réalisé cet entretien biographique le 27 avril 2017. Celui-ci éclaire la trajectoire de deux générations de mineurs. L’entretien révèle l’austérité de la vie quotidienne dans les cités minières et les dispositifs de surveillance mis en place par les employeurs.
Wanda Jacubiak was born in 1937 into a Polish family of miners who had arrived to work in the mines of Nord-Pas-de-Calais in the interwar period. Marion Fontaine and Richard Berthollet conducted this biographical interview on 27 April 2017. It tells us about the lives of two generations of miners. The interview reveals the austerity of everyday life in the mining towns and the surveillance measures used by the employers.
Une famille de mineurs d’origine polonaise installée dans le Nord-Pas-de-Calais A Polish mining family living in Nord-Pas-de-Calais
Mes parents sont arrivés de Pologne en 1933. Papa est venu travailler. La main-d’œuvre polonaise était beaucoup demandée dans la région Nord-Pas-de-Calais, donc papa était venu travailler à la fosse 2 Bis de Marles-les-mines, et voilà, il était logé chez des personnes, dans une famille, parce qu'il n'avait pas sa maison. Donc il était logé dans la rue d'Aubignies, chez Monsieur et Madame Cagnat. Maman est arrivée également en 1934, elle venait de Pologne, elle est venue travailler dans les fermes, donc elle a travaillé à Auxi-le-château, donc elle me racontait, quand elle est arrivée, c'était à Noël, donc la messe de Noël, elle l'a passée dans une église à Auxi-le-château, et elle a pleuré pendant toute la messe parce qu'elle ne comprenait pas un mot de français. Donc c'était difficile pour elle, mais elle s'est habituée. C'était une femme assez costaud, donc le fermier lui mettait 50 kilos de grains de blé sur le dos, et elle devait monter à l'échelle pour le mettre à l'échelle. Elle s'occupait des vaches, des cochons, mais bon, comme c'était une femme courageuse, voilà. Après, ils ont fait la connaissance avec papa, mais je ne sais pas exactement où ils se sont rencontrés. En Pologne, ils étaient à 100 kilomètres l'un de l'autre, mais ils ne se sont pas connus en Pologne, ils se sont connus ici. Ils se sont mariés à la mairie de Calonne-Ricouart le 4 juin 1936. La mairie de Calonne-Ricouart existait déjà, donc en 1936, et après, nous avons habité à Auchel, dans la rue de Béthune, au pied du terril numéro 2, et en face de la fosse 2 Bis de Marles-les-Mines, où papa a travaillé. (…). C'était assez dur pour les parents, nous avons connu une jeunesse pauvre, c'est sûr et certain, mais bon, il n'y avait pas beaucoup d'argent dans la maison, maman travaillait, maman tricotait des nuits entières, elle faisait des chaussettes, elle faisait des gants, et après...pour avoir une livre de beurre, ou même pour avoir de la farine pour faire du pain, pour aller après dans les fermes, donc voilà, elle travaillait, elle a toujours travaillé. Après, ils ont travaillé dans les champs, ils ont été faire la cueillette des haricots verts, tout ça. Mais je sais que nous sommes trois sœurs, et les mariages, c'est grâce à papa, maman, qui ont travaillé dans les champs pour nous les faire, les mariages, voilà.
My parents arrived from Poland in 1933. My father came here to work. There was great demand for Polish workers in the Nord-Pas-de-Calais region, so my father came to work at pit 2A in Marles-les-Mines. He lived with a family because he didn’t have his own house. So he lived on Rue d’Aubignies, with Mr and Mrs Cagnat. My mother also arrived in 1934. She came from Poland to work on the farms, so she worked in Auxi-le-Château. She told me that it was Christmas when she arrived, so she celebrated Christmas mass in a church in Auxi-le-Château, and she cried the whole time, because she didn’t understand a word of French. It was difficult for her, but she got used to it. She was quite a strong woman, so the farmer would put 50 kilos of wheat grains on her back, and she had to go up the ladder with it. She looked after the cows and pigs, but since she was a brave woman, well. Later, she met my father, but I don’t know exactly where they met. In Poland, they were 100 km from each other, but they didn’t meet in Poland. They met here. They married at the town hall in Calonne-Ricouart on 4 June 1936. Calonne-Ricouart town hall already existed, so in 1936, and afterwards, we lived in Auchel on Rue de Béthune, at the foot of the slag heap number 2, and opposite pit 2A of Marles-les-Mines, where my father worked. (…). It was quite hard for my parents, and we were poor when I was a child, that’s for sure, but there you have it. There wasn’t much money in the house. My mother worked, she spent whole nights knitting, she made socks, she made gloves, and then... to get a pound of butter, or even to get flour to make bread, then she would go to the farms, so that’s it, she worked, she always worked. Then they worked in the fields, they picked green beans and all that. But I know that there are three sisters in my family, and our marriages were thanks to our parents who worked in the fields to make them possible.
de Pologne en 1933.
La main-d’œuvre
polonaise était
beaucoup demandée. » « My parents arrived
from Poland in 1933.
There was great demand
for Polish workers. »
On faisait un mont de terre, une roulette de fil noir ou blanc, on faisait des fils, on mettait deux boîtes d'allumettes, et puis on chargeait avec de la terre, et on faisait le terril. C'était nos jouets, nous n'avions pas de poupées, nous n'avions vraiment pas grand-chose. Les parents nous ont fait des poupées avec des chiffons, on leur faisait les yeux, le nez, la bouche, et c'était notre poupée. We would make a pile of soil, with a spool of black or white thread we would make cables, then attach two matchboxes and load them with soil, and we would make the slag heap. Those were our toys. We didn’t have dolls, we really didn’t have much. Our parents made us dolls with rags. We would give them eyes, a nose, a mouth, and that was our doll.
Je me rappelle d'une anecdote, j'avais une copine qui avait un vélo, donc elle venait dans la rue de Béthune, et elle nous prêtait le vélo, donc chacune notre tour, on était à cinq, six copines, on prenait le vélo pour faire le tour de la rue de Béthune, de la rue d'Arras, et c'était un plaisir formidable pour nous. Nous n'avions pas de jouet. La maison où j'habitais, il y avait huit marches pour monter de la rue dans le jardin, donc on jouait à l'école. Ces marches, c'était notre école, on s’installait l'une à côté de l'autre, en bas il y avait une maîtresse, et on disait « Bon, ben voilà, deux fois deux, récite une récitation », et puis voilà. I remember an anecdote. I had a friend who had a bike, so she would come to Rue de Béthune and she would lend us her bike. We would each take turns in our group of five or six friends. We would get on the bike and ride around Rue de Béthune and Rue d’Arras. It was great fun. We had no toys. The house where I lived had eight steps to get from the street up into the garden, so we would pretend that the steps were a school. We would sit side by side, with a teacher at the bottom, and we would say “Ok, two times two, recite a text”, and that was it.
La surveillance des mineurs par leur employeur Surveillance of miners by their employer
(…) C'était toujours le même garde que j'ai connu dans ma jeunesse. C'était toujours lui, je sais qu'il s'appelait monsieur Titerand, je ne sais pas s'il y en avait avant, après, mais celui qui m'a marquée, c'était monsieur Titerand. Je sais, pour l'histoire de mon mari, c'est lui qui faisait les rues. Quand les gamins se promenaient dans les rues, il a interpellé mon mari, il a demandé où il habitait, parce qu'il avait fini sa scolarité, et pour définir, il a demandé à ses parents de l'inscrire à la fosse, et mon mari est parti travailler à l'âge de 15 ans au 2 Bis. Donc lui, il a fait ses trente ans. Enfin, pas ses 30 ans, il n'a fait que 27 ans, et les trois dernières années, il a fait à la fosse d'Haillicourt, et je sais que les gardes avaient un rôle qui faisait la propreté de la cité Quenehem, le garde passait, et il n'y avait aucune herbe dans les ruisseaux. Tout était nettoyé. Si la première personne du haut de la rue jetait de l'eau dans le ruisseau, tout le monde prenait son balai et on balayait. Donc c'est vrai que c'était ... Et quand on était livrés en charbon, parce qu'on était livrés en charbon, donc quand le charbon était livré, ils faisaient déverser le charbon devant la maison, et on le rentrait à seau, parce qu'il y avait des escaliers, on ne pouvait pas le rentrer autrement, donc on le rentrait à seau, et une heure après, tout devait être nettoyé. Donc c'était propre, c'était de l’impeccable. La cité Quenehem, c'était vraiment une cité très propre.
(…) It was still the same guard who I had known in my youth. It was still him. I know his name was Mr Titerand, I don’t know if there was anyone before him or after him, but the one I remember was Mr Titerand. I know, for my husband’s story, it was him who was patrolling. When the kids were wandering in the streets, he stopped my husband and asked him where he lived, because he had finished school, and he asked his parents to sign him up for the pit, and at 15 years old, my husband went to work in pit 2A. So he did his 30 years. Well, not 30 years, he only did 27 years, and the last three years, he spent them at the Haillicourt pit, and I know that the guards were responsible for enforcing the cleanliness of the town of Quenehem. The guard would come by, and there were no weeds in the gutters. Everything was cleaned. If the first person at the top of the street threw water into the gutter, everyone would get their broom and sweep. So it’s true that it was... And when coal was delivered, because we got coal deliveries, so when the coal was delivered, they would tip it out in front of the house, and we would bring it in using buckets, because there were steps, that was the only way of getting it in, so we would bring it in using buckets, and an hour later, everything had to be cleaned. So it was clean, it was spotless. Quenehem really was a very clean town.
(…) Je me rappelle, en étant gamines, on allait ramasser des gaillettes [morceaux de charbon] sur le terril, chose qui était totalement interdite, parce que c'était dangereux. Une fois, il nous avait dit « C'est la première et la dernière fois que je vous vois là, vous n'avez pas à traîner vos pieds là », mais on disait « Mais oui monsieur, mais c'est pour ramasser des gaillettes, parce qu'on n'a pas assez de charbon à la maison ». (…) Quand il y avait quelque chose qui n'allait pas, on se plaignait de voisins, ou il y avait du bruit, c'était toujours le garde, il fallait s'adresser au garde. (…) (…) I remember, when we were kids, we would pick up pieces of coal from the slang heap. It was completely forbidden because it was dangerous. One time, he told us “I don’t want to catch you here again, you shouldn’t be hanging round here”, but we would say, “Yes sir, but it’s to collect coal, because we don’t have enough coal at home”. (…) When there was a problem, when someone was complaining about their neighbours or there was noise, it was always the guard, you had to talk to the guard.
Je me rappelle de la grève de 1968, l'année où mes deux enfants ont fait leur communion. Mon mari ... bon, c'était les grèves pendant six semaines de temps, donc il y avait des piquets de grève à la fosse 2, il y avait trois, quatre cafés dans la rue de Béthune et tout ce qui s'en suit, donc les mineurs se retrouvaient là pour discuter, bien sûr pour boire leur verre de vin ou bien un café, et je sais que cette grève a duré pendant six semaines et elle s'est terminée le 4 juin. Et comme mes enfants faisaient la communion le 2 juin, je suis allée à la fosse, et j'ai d'abord vu le garde, je lui ai demandé « Est-ce que mon mari pourrait avoir une journée de congé en plus ? », parce que c'était la fête, enfin, c'était la communion des enfants. Alors le garde me dit « Comment ? Six semaines de grève, et vous osez demander une journée de congé supplémentaire pour votre mari ? », je dis « Non, mais les enfants ont fait la communion, donc on voudrait quand même rester encore avec la famille ». Donc cette journée lui a été accordée, mais bon, voilà, c'était… I remember the strike in 1968, the year of my two children’s Communion. My husband... well, there were strikes for six weeks, so there were picket lines at pit 2. There were three or four cafés on Rue de Béthune and so on, so the miners would meet there to talk, and of course for a glass of wine or a coffee, and I know that this strike lasted six weeks and it ended on 4 June. And since my children’s Communion was on 2 June, I went to the pit, and I saw the guard first. I asked him, “could my husband have an extra day off work?”, because it was a celebration, after all, it was the children’s Communion. So the guard said to me “What? Six weeks on strike, and you dare to ask for an extra day off work for your husband?” I said, “No, but the children have had their Communion, so we’d like to stay with the family some more.” So he was given this day off, but, well, it was…
[Après la fermeture de la mine en 1978] ils [les gardes] étaient encore en fonction parce que c'était des anciens mineurs. Je me rappelle, c'était monsieur Chicora, Jean, qui faisait garde des mines. Donc il passait quand même dans les mines, mais il n'avait plus aucune fonction. Il le faisait ... Je ne sais pas si c'était rémunéré ou non, mais ils faisaient encore leur tour dans la cité. Mais bon, comme dans la cité Quenehem tout le monde se connaissait de la rue de Béthune jusque la rue de Bruay, il n'y avait aucun conflit. Il n'y avait pas de conflit. A Quenehem, il y avait 500 familles, sur les 500 familles, il y avait 490 familles d'origine polonaise. Même dans ma rue, il y avait la famille Lefevre, donc bien sûr, nous n'avions pas d'eau dans les maisons, c'était les pompes, qui se situaient à deux, trois maisons l'une de l'autre, et je me rappelle du temps où ma maman allait chercher de l'eau, il y avait madame Lefevre qui disait à ma maman « Vous savez Agnela, quand ils veulent dire du mal de moi, mes enfants parlent polonais et je ne comprends pas un mot ! ». Ce sont des enfants français qui savaient mieux parler polonais que certains Polonais. [After the mine closed in 1978], they [the guards] were still working, because they were former miners. I remember, it was Mr Chicora, Jean, who was the mine guard. So he would still go into the mines, but he no longer had a role. He did it... I don’t know if they were paid or not, but they still did their rounds. However, because in Quenehem everyone knew each other from Rue de Béthune to Rue de Bruay, there was no conflict. There was no conflict. In Quenehem, there were 500 families, and out of those 500 families, there were 490 families of Polish origin. Even in my street, there was the Lefevre family. Well, of course, we had no water in the houses. We had pumps, two or three houses apart, and I remember when my mother went to get water, Mrs Lefevre would say to her, “You know, Agnela, when my children want to badmouth me, they speak Polish, and I don’t understand a word!” Those French children could speak Polish better than some Polish people.
connaissait de la rue
de Béthune jusque la rue
de Bruay, il n’y avait
aucun conflit. » « Everyone knew
each other from Rue
de Béthune to Rue
de Bruay, there was
no conflict. »
Associations et solidarité Associations and solidarity
La cité Quenehem était une cité où il y avait pas mal d'associations, il y avait 12 à 14 associations. Il y avait les dames du rosaire, il y avait les femmes polonaises, il y avait le KSMP [Association de la jeunesse catholique polonaise], d'autres associations dont j'ai oublié le nom, mais c'est vrai que les jeunes avaient un point de chute, donc on se réunissait, on discutait, on chantait, et il n'y avait jamais de bagarres, jamais rien. Il y avait quelques fois un musicien qui venait au coin de la rue, il jouait, donc on chantait, et on chantait aussi bien des chants polonais que des chants en français. Après, il y avait cette petite salle, la salle Echos, en plein centre de la cité de Quenehem et là, il y avait des animations, le 1er mai, c'était fêté, il y avait de la pâtisserie polonaise, il y avait des galas, des matchs de foot (…).
Quenehem was a town where there were lots of associations. There were 12 to 14 of them. We had the Ladies of the Rosary, the Polish Women’s Association, the KSMP (the Polish Catholic Youth Association) and other associations whose names I can’t remember, but it’s true that young people had somewhere to go, so we would get together, chat and sing. There were never fights, nothing. Sometimes, a musician would come to the street corner. He would play, so we would sing, and we would sing both Polish and French songs. Then there was this little hall, the Echo Hall, right in the middle of the town of Quenehem and there were events and activities there. We celebrated 1 May, there were Polish pastries, galas, football matches (…).
C'était une famille, c'était une grande famille, la cité Quenehem. Quand quelqu'un avait besoin, qu'il était dans la peine, ou qu'il était malade, les voisins s'organisaient pour aller bêcher son jardin, pour aller chercher les commissions, du lait, parce qu'on allait chercher du lait dans les fermes, et tout ce qui s'en suit, mais bon, on le faisait. Je me rappelle, il y avait encore de la soupe populaire, et c'est vrai que pendant les grèves, on n'avait pas les moyens, donc je sais que cette soupe populaire se passait dans les établissements Budzynski, donc j'allais chercher de la soupe tous les jours. Pendant les grèves, certaines de mes copines sont parties dans la région parisienne, et elles étaient...Donc les familles parisiennes demandaient à ce que les enfants viennent pour les héberger pendant...Je me rappelle qu'on est allés également chez des amis à Carvin, parce qu'ils étaient moins...il n'y avait pas autant de grèves par chez eux que par chez nous. It was a family, the town was one big family in Quenehem. When someone needed help, if they were struggling or ill, the neighbours would arrange to dig their garden, to go and get their shopping or their milk, because we would go to get milk from the farms and so on. That was what we did. I remember, there was still the soup kitchen, and it’s true that during the strikes, we didn’t have enough money, so I know that this soup kitchen happened in the Budzynski establishments. I would go to get soup every day. During the strikes, some of my friends left for the Paris region, and they were... So, the Parisian families asked for the children to come to be looked after during... I remember we also went to friends’ homes in Carvin, because they were less... they had less strikes there than we had.
Le logement des mineurs Miners’ homes
(…) Il y avait quand même pas mal de logements. Bon, quand c'était dans les baraquements, à la cité de l'Espérance, moi, j'habitais chez maman, j'ai eu le bonheur d'avoir un baraquement juste en face, donc on avait demandé. J'avais encore deux sœurs à la maison, donc je sais que...dans une maison comme ici, mais il y avait un étage, donc maman nous avait donné une pièce en bas et une chambre en haut. Nous allions chercher de l'eau, parce qu'il n'y avait pas d'eau courante à la maison, donc au moment des lessives, quand on faisait nos lessives avec les lessiveuses qui se mettaient sur les feux à charbon, donc il fallait aller chercher de l'eau le dimanche, deux seaux à chaque fois, il fallait ramener et faire le linge. Il n'y avait pas de machine à laver, c'était vraiment le baquet et la brosse.
(…) There were lots of homes. Well, when Cité de l’Espérance was shacks, I lived with my mother, and I was lucky enough to have a shack just opposite, so we asked. I still had two sisters at home, so I know that... in a house like this, but there was an upstairs, so my mother gave us a room downstairs and a bedroom upstairs. We would go to get water, because there was no running water at home, so when we did the washing with the wash boilers that we put on coal fires, we had to go and get water on Sunday, two buckets each time, which we had to bring back to do the washing. There was no washing machine. We used a tub and a brush.
Je me suis mariée en 1955, j'ai habité jusque...Mon deuxième fils, il est né déjà dans...Mon premier fils, il est né rue de Béthune, chez mes parents, en 73, et mon deuxième fils, il est né dans les baraquements, 34 cité de l'Espérance, en 1958, et en 1960, j'ai eu la maison dans la rue de Béthune, et je me rappelle, le déménagement, ça se faisait avec des brouettes ! Chacun portait une planche de la garde-robe, parce que c'était dans la même rue (…). I got married in 1955. I lived until... My second son, he was born in... My first son, he was born on Rue de Béthune, in my parents’ home, in 73, and my second son, he was born in the shack, at 34 Cité de l’Espérance, in 1958, and in 1960, I got the house on Rue de Béthune, and I remember moving house with wheelbarrows! Each of us carried a side of the wardrobe because it was on the same street (…).
Les maisons sont gratuites, donc je suis encore logée gratuitement également ici. Donc nous avons encore des acquis. Comme je disais, les mineurs ont des acquis, j'espère qu'on les gardera jusqu'à la fin de notre vie. Parce que j'ai eu un problème une fois avec une cataracte, donc j'ai été voir un anesthésiste, donc il m'a dit « C'est 150 euros », j'ai dit « Mais monsieur ! Je suis une femme de mineur ! », « Ah ben oui, dans le temps, vous aviez tout gratuitement, vous croyez que ça va durer ? », alors j'ai dit « Mais monsieur, mon mari, comme tous les autres mineurs encore vivants, nous avons des acquis, on les a encore, nous ne les avons pas perdus ! », donc il m'a dit « Bon, ben d'accord ». Mais nous avions notre maison gratuite, le charbon gratuit, le médecin gratuit. The houses were free, so I still live here for free too. So we still enjoy benefits. As I was saying, miners are entitled to certain benefits, and I hope we will keep them for the rest of our lives. Because I had a problem once with a cataract and I went to see an anaesthetist. He told me, “It’s 150 euros,” and I said, “But sir! I’m a miner’s wife!” He said, “Ah, yes, back in the day, you got everything for free. Do you think that will last?” So I said, “But sir, my husband, like all the other miners who are still alive, he and I have benefits, and we are still entitled to them, we haven’t lost them!” Then he said, “Well, okay.” But we had our house for free, we got our coal for free, the doctor was free.
[Maintenant] C'est sûr que le modernisme y est pour beaucoup. Nous avons de l'eau chaude, nous avons une salle de bain, nous avons le chauffage. Bien sûr, il y a beaucoup de personnes qui regrettent le chauffage au charbon, parce que le chauffage au charbon, c'était le chauffage vraiment impeccable. Je me rappelle, rue de Béthune, nous avions un étage, et quand il gelait l’hiver, on se mettait au carreau et puis on faisait « Pfffiou » pour avoir un petit rond, pour que le gel parte et qu'on voit ce qui se passait dehors. Nous n'avions pas de toilettes à la maison, donc il fallait sortir dehors pour aller aux toilettes. Encore une anecdote : je me rappelle, le jour de la Toussaint, c'était quand même quelque chose que nos parents disaient « Surtout, ne fais pas ci, pas là, parce que les morts sont venir », donc quand on devait aller aux toilettes, on sortait dehors, donc on se faisait accompagner soit par la maman, soit par une sœur, parce qu'on avait peur de sortir dehors. Mais maintenant, c'est vraiment que...C'est vrai qu'on a une vie autrement, mais je ne regrette pas mon enfance. On n'a jamais été riches, mais je suis encore là à 80 ans ! [Now] Obviously, things have been modernised a lot. We have hot water, we have a bathroom, we have heating. Of course, there are lots of people who miss using coal for heating, because it really was excellent. I remember, on Rue de Béthune, we had an upstairs, and when it was freezing in winter, we would go to the window and breathe on it to clear a little circle, so that we could see what was happening outside. We didn’t have a toilet in the house, so we had to go outside to use the toilet. Another anecdote: I remember, on All Saints’ Day, there was this thing our parents would say: “Above all, don’t do this, not there, because the dead will come.” When we needed the toilet, we had to go outside, so we would get someone to come with us, either our mother or a sister, because we were afraid to go outside. But now, really... it’s true that we have a different life, but I don’t regret my childhood. We were never rich, but I’m still here at 80 years old!
mon mari, comme
tous les autres mineurs
encore vivants, nous
avons des acquis, on
les a encore, nous ne les
avons pas perdus ! » « But sir,
my husband, like
all the other miners
who are still alive,
he and I have benefits,
and we are still entitled to them,
we haven’t lost them! »